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EXCLUSIF. Emmanuel Macron et Olaf Scholz : « Bâtir notre Europe pour la prochaine génération »

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A la veille du Conseil des ministres franco-allemand qui se tiendra ce dimanche à l’Élysée, le président Emmanuel Macron et le chancelier Olaf Scholz ont écrit ensemble une tribune consacrée à l’avenir du « couple » Paris-Berlin au service de l’Union européenne. Publié en exclusivité par Le Journal du Dimanche et le Frankfurter Allgemeine Zeitung, ce texte met en avant les dossiers sur lesquels la France et l’Allemagne vont travailler priorité dans les prochains mois pour rendre l’UE plus forte et plus autonome. (F.C.)

Voici la tribune exclusive d’Emmanuel Macron et Olaf Scholz :

« Il y a 60 ans, le président Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer signaient un traité historique : le Traité de l’Élysée. Français comme Allemands, nous sommes tous les enfants de ce moment fondateur, qui a marqué la fin de décennies, si ce n’est de siècles, de rivalités féroces et de guerres sanglantes entre nos deux peuples, au cœur de l’Europe. La signature de ce Traité a été le symbole fort de notre réconciliation. Moins de vingt ans après la fin des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, provoquée par l’Allemagne, cela n’avait rien d’une évidence. Il aura fallu le courage moral de refermer un chapitre tragique du passé. Il aura fallu la lucidité de reconnaître que tous ces siècles que nos deux pays avaient passés à s’affronter devaient conduire à un avenir où nous marcherions main dans la main. Parce que notre jeunesse, de part et d’autre du Rhin, avait le droit de vivre en paix et de bâtir pour elle-même un avenir meilleur.

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Depuis le début de la guerre, nous avons agi vite et fort

Cette destinée commune a évolué vers ce qui transcende aujourd’hui nos deux pays. Le Traité de l’Élysée n’avait pas seulement pour but de signer le renouveau des relations bilatérales entre nos deux pays, il a également dessiné un objectif pour nos peuples : celui de coopérer à la réalisation du rêve commun d’une Europe unie.

Au cœur de cette promesse d’un avenir partagé se trouvait le refus de la guerre, de la barbarie, de l’impérialisme. La paix durable qu’a connue notre Europe est la preuve que ce rêve était à notre portée. En 2022, la Russie a ramené la guerre sur le continent européen, et le peuple ukrainien traverse, en ce moment même, une épreuve insupportable.

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Depuis le début de la guerre, nous avons agi vite et fort. Nous avons fourni à l’Ukraine un soutien politique, financier et humanitaire, livré des tonnes d’armes et de munitions et formé les soldats ukrainiens. Toutes nos mesures sont parfaitement coordonnées avec nos partenaires et montrent au peuple ukrainien que nous sommes à ses côtés. La Russie ne doit pas remporter et ne remportera pas la guerre d’agression illégale et éhontée qu’elle mène contre l’Ukraine. 

Cette guerre nous rappelle qu’il appartient à notre génération d’empêcher que les rêves des pères fondateurs de l’Europe ne se délitent. Cette nouvelle ère conduit au réveil stratégique qui a donné corps à l’objectif de souveraineté européenne. A présent, nous devons, à nouveau, nous assurer que les prochaines générations d’Européens pourront vivre sur un continent où règnent la paix, la prospérité et la liberté. En ce moment historique, nous devons tous trouver le courage de l’audace, de l’unité et de la lucidité. Le président de Gaulle et le chancelier Adenauer ont tracé le chemin à suivre, et nous sommes tenus d’être à la hauteur de leur rêve : nous nous devons de tout faire pour que, lorsque nos enfants seront à l’âge d’être citoyens, l’Union européenne soit devenue une puissance motrice, plus forte et porteuse d’espoir.

Veiller à ce que l’Europe devienne encore davantage souveraine

Nous savons, grâce à de nombreuses discussions, que nos partenaires et amis en Europe partagent ces convictions. Et c’est avec ces mêmes partenaires et amis que nous souhaitons faire de ces convictions communes une réalité. Pour bâtir notre Union européenne pour la prochaine génération, nous voulons œuvrer à la réalisation de sept objectifs stratégiques.

Notre premier défi majeur sera de veiller à ce que l’Europe devienne encore davantage souveraine et dispose des capacités géopolitiques nécessaires pour façonner l’ordre international. Si nous voulons une Europe forte demain, il est primordial d’investir davantage, et dès maintenant, dans nos forces armées et dans la base de nos industries de défense en Europe. Cela améliorera nos propres capacités de défense, et profitera ainsi également à notre relation transatlantique. De meilleures capacités et un renforcement du pilier européen de l’OTAN permettront aux États-Unis de disposer d’un partenaire plus puissant de l’autre côté de l’Atlantique, un partenaire mieux équipé, plus efficace et plus à même de relever les grands défis internationaux.

Deuxièmement, la puissance géopolitique ne découle pas seulement des moyens militaires, mais aussi de la résilience et de notre capacité à agir dans des domaines stratégiques pour notre avenir. Nous renforcerons la diversification de nos approvisionnements stratégiques et nos capacités dans les domaines essentiels, et nous nous engagerons sur la voie qui nous permettra de devenir le premier continent climatiquement neutre au monde. Nous y parviendrons en respectant les choix nationaux en matière de mix énergétique, notamment grâce aux énergies renouvelables, aux énergies bas carbone, à l’efficacité énergétique et à l’hydrogène, que nous produirons et importerons, ainsi qu’à de fortes interconnexions énergétiques. Nous travaillerons au niveau européen à l’amélioration du fonctionnement du marché de l’électricité et nous engagerons dans des achats communs de gaz. Nous voulons renforcer nos partenariats stratégiques avec tous les acteurs désireux de défendre l’ordre international tel que consacré dans la Charte des Nations unies. Nous voulons faire du commerce libre et équitable la pierre angulaire de notre prospérité. Pour diversifier nos relations commerciales, nous soutenons un programme ambitieux avec l’OMC pour socle et des accords commerciaux modernes avec des partenaires du monde entier.

Troisièmement, nous voulons que l’Union européenne poursuive ses efforts afin de devenir un espace de production et d’innovation de premier plan à l’échelle mondiale. Nous veillerons à fixer un cadre propice et à lui donner les moyens d’atteindre cet objectif et de faire progresser ce qui se trouve au cœur de notre puissance économique mondiale : le plus grand marché unique démocratique au monde, dont nous fêtons ces jours-ci le 30e anniversaire. Nous défendrons avec force la mise en place d’une stratégie de renforcement de la compétitivité industrielle européenne d’un environnement européen qui stimule la concurrence et l’innovation, précieux bien commun Européen.

La France et l’Allemagne s’entendent sur les questions fondamentales concernant l’avenir de l’Europe

Quatrièmement, nous devons renforcer le modèle unique européen pour que les progrès économiques et sociaux aillent de pair avec la transition écologique. Pour nous, cela signifie avant tout que nous devons rester au premier rang de la lutte contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, et que nous devons soutenir nos concitoyens et leur permettre de relever les défis de la transition écologique et d’en bénéficier, en ne laissant personne de côté. Nous voulons améliorer les normes sociales et fiscales communes de l’Europe, afin d’ouvrir la voie vers une plus grande convergence et égalité sociales et de renforcer ainsi notre capacité collective à offrir aux travailleurs européens des emplois de meilleure qualité, plus qualifiés et mieux rémunérés.

Cinquièmement, parler de la prochaine génération, c’est parler de notre capacité à investir, qui doit être à la hauteur de nos ambitions et de nos valeurs. Nous appelons par conséquent à des mesures plus ambitieuses afin de mettre en place l’union des marchés de capitaux et d’achever l’union bancaire. Les États membres continueront d’assurer leur viabilité budgétaire, notamment en améliorant la qualité de leurs finances publiques et en donnant la priorité aux investissements et aux réformes nécessaires à la transition écologique et numérique et aux composantes essentielles de la souveraineté européenne. Ces efforts seront étayés par un budget de l’Union efficace, doté de véritables ressources propres et permettant d’investir dans les biens publics européens.

Pourtant, bien que l’économie soit importante, ce que nous voulons léguer à nos enfants, c’est la véritable raison d’être de l’Europe : les libertés individuelles, l’Etat de droit, la participation à la vie démocratique et la protection de ses citoyens. Ces valeurs et principes sont au cœur de l’Union européenne. Par conséquent, celle-ci se doit de continuer à défendre résolument les citoyens européens et leurs libertés. Nous devons poursuivre notre action en faveur de l’Etat de droit et des libertés individuelles et fixer des normes sur la scène internationale, par exemple dans le secteur du numérique. Les importations dans l’Union européenne doivent respecter nos normes en matière de sécurité et de droits de l’Homme, ainsi que nos normes environnementales et sociales. Nous voulons garantir la libre circulation, notamment pour les apprenants, et des contrôles plus efficaces aux frontières extérieures.

Soixante ans d’histoire nous ont appris que rien n’est impossible si nous restons unis

Enfin, ces idéaux ne sont pas seulement l’une des grandes raisons pour lesquelles l’Union européenne est si attractive dans son voisinage et au-delà. Ils expliquent également pourquoi celle-ci incarne un modèle de stabilité sur le continent européen, en particulier dans les Balkans occidentaux. Nous nous efforçons de réaliser des progrès rapides et concrets dans le processus d’élargissement de l’Union. Dans le même temps, nous devons veiller à ce qu’une Union européenne élargie conserve sa capacité d’action – avec des institutions plus efficaces et des processus de prise de décisions plus rapides, notamment en étendant le vote à la majorité qualifiée au Conseil.

Soixante ans après la signature du Traité de l’Élysée, la France et l’Allemagne s’entendent sur les questions fondamentales concernant l’avenir de l’Europe. Nous partageons la même ambition : celle d’une Union européenne résiliente, puissante et souveraine. Même dans les cas où nous divergeons, nous restons plus que jamais déterminés à élaborer des réponses communes, des réponses que nous voulons étudier avec nos partenaires européens. Nous nous trouvons aujourd’hui à un tournant de l’histoire de notre continent. Il appartient à notre génération de façonner avec ses rêves l’avenir de la prochaine génération. Le travail qu’il nous reste à faire pour améliorer, renforcer et parachever notre Europe est immense, mais soixante ans d’histoire nous ont appris que rien n’est impossible si nous restons unis. » (Traduit de l’anglais)